Réponse à Alain Finkielkraut, suite à ses propos lors de l’émission « Le Grand Entretien France Inter », le 20 septembre 2019. (Extrait de 13:09 – 16:30)

Monsieur Alain Finkielkraut, avec tout l’amour et le respect que j’ai pour vous, tout autant que les autres je veux dire, je m’aperçois qu’il n’est pas bon de prendre de l’âge, quand la voie empruntée n’a été que celle de la raison, et non du cœur.

Vous vous moquez de Greta Thunberg, et méprisez encore plus qu’elle soit suivie par une partie de la jeunesse. Vous refusez que les « adultes » se mettent « au garde à vous » face à une parole si « puérile ». Je vous cite : « Je trouve lamentable que des adultes s’inclinent aujourd’hui devant une enfant. Je crois que l’écologie mérite mieux, et il est clair qu’une enfant de 16 ans, quel que soit le symptôme dont elle souffre, est évidemment malléable et influençable. Nous avons mieux à faire pour sauver ce qui peut l’être de la beauté du monde que de nous mettre au garde-à-vous devant Greta Thunberg et les abstraites sommations de la parole puérile. »

Alors je vous pose la question : qui voulez-vous que l’on suive ? Ces adultes qui ont mené notre monde à sa perte, portant le capitalisme et la philosophie matérialiste au panthéon de notre civilisation ? Ces adultes qui utilisent le mot « écologie » parce qu’il est à la mode, et qu’il faut bien l’utiliser… ? Si tout le monde parle d’écologie aujourd’hui, c’est parce que nous sommes face au mur et que nos fesses commencent à sentir le roussi. C’est aussi parce qu’il faut être dans le coup, n’est-ce pas ? Mais ces adultes penseurs, dirigeants politiques, actionnaires et financiers, qu’ont-ils fait pour la planète, les êtres humains et les animaux ? Rien. Même les écologistes, jusqu’à aujourd’hui, n’ont été pour la plupart que des techniciens de la nature, et non des exemples de bienveillance, de compassion et de bonté pour tout le vivant. Où se situent la sagesse et l’amour ? Dans quels programmes politiques les trouve-t-on ?

À présent, quand une jeune femme – aux pensées et aux actes plus élevés que la moyenne -, intervient et rassemble autour d’elle, vous tirez à boulet rouge en mettant en avant sa différence et sa naïveté. Pourtant, c’est avec peine et espoir qu’elle crie pour la Planète.

Philosopher sans élévation spirituelle mène toujours à la même chose, finalement : un manque de sang-froid, une absence de contrôle de ses paroles et de ses émotions, et enfin un incontournable mépris.

Bien sûr, bien loin de moi l’idée de vous en vouloir, Monsieur Finkielkraut. Seulement vous représentez, malgré vous, cette époque que nous voulons quitter : celle de l’ego, de la pensée matérialiste, de la raison qui se croit autonome.

Où est la chaleur du cœur ? Où est la hauteur du point de vue ? En d’autres termes, où sont votre gentillesse et votre bienveillance ? Cette philosophie que vous représentez, qui était peut-être impressionnante dans les années 70, est-elle encore bénéfique et utile à notre société ? Le fait qu’elle soit étalée avec tant de sécheresse et de dédain montre dans quelle impasse elle nous mène.

Greta Thunberg, manipulée ou non, nous montre qu’il est important de savoir, et surtout de décider où se situent nos priorités. Mais au-delà de cette évidence, la nouvelle période que nous abordons nécessite que nous pensions et agissions différemment. Celles et ceux qui ont dirigé notre société jusqu’à aujourd’hui ne sont plus écouté.e.s ! De la même façon, entendre des intellectuels vomir sur Greta Thunberg et ces milliers de jeunes grévistes inexpérimentés, c’est un peu comme écouter les dirigeants politiques s’entretuer pendant les élections. Il n’y a pas de surprise. C’est toujours négatif et agressif.

Écoutez votre cœur, Alain ! Écoutez-le ! Il pleure en écoutant vos tempêtes froides d’intellectuel ! Aimez ce monde, aimez la jeunesse ! Cette jeunesse tente quelque chose, au moins. Parfois maladroitement, naïvement, voire sous influence… Et alors ? Au moins, elle le fait avec sincérité.

Donnons à la jeunesse le droit de se tromper : l’essentiel est qu’elle se réunisse, s’informe, se mobilise… en tentant de ne pas reproduire les bêtises des adultes, justement. Ces adultes qui nous ont menés à la catastrophe.

À leur âge, Alain Finkielkraut, vous étiez maoïste. Alors aujourd’hui, pourquoi certains jeunes ne feraient-ils pas la grève des cours, suivant l’appel d’une jeune femme « autiste asperger » criant pour la planète ? Pourquoi ne devrions-nous pas les écouter et nous laisser interpeller par eux ?

Soyons compréhensifs et ouverts, accompagnons cette jeunesse qui n’est pas encore pétrie d’habitudes. Aidons-les à transformer leur assiette, leur consommation, leurs pensées et leurs occupations : aidons-les à s’élever. Encourageons-les dans leur amour, leur bienveillance, leur lucidité politique et leur volonté d’entraide.

D’ailleurs, pourquoi ne pas sortir de votre zone de confort en exprimant des idées nouvelles, Monsieur Finkielkraut ? Vous pourriez leur conseiller, par exemple, de ne plus manger d’animaux terrestres, car ils souffrent et leur élevage accélère le dérèglement climatique, ainsi que la déforestation. Vous pourriez leur intimer de ne plus manger de poissons, car les océans sont en train de mourir ! Vous pourriez également leur dire de participer à des stages de permaculture, de cuisine végétalienne, de production zéro déchet, de méditation, d’écoconstruction et d’autres choses dans le style… car c’est notre avenir !

En bref, Monsieur Alain Finkielkraut, au lieu de râler de façon si aigrie, proposez-nous de vraies solutions, et profitez de cette énergie formidable qui est celle de la jeunesse. Nous avons besoin de tout le monde, y compris de vous. Éclairez-nous !

Guillaume Corpard – Le 21 septembre 2019

Conférencier et auteur de « Un cri pour la Terre »

Cofondateur de « Happy Earth Now – animaux, humains, planète »

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