🖋️ Poèmes & Textes intérieurs
Des textes pour ralentir. Pour ressentir. Pour aimer.

Guillaume Corpard est écrivain, musicien et poète. Il écrit depuis toujours — par nécessité, par élan vital, par amour. Sa poésie, nourrie d’éveil, de compassion et de vision métaphysique, explore les mystères du vivant, les tremblements de l’âme et la beauté cachée du monde. Il conjugue finesse du verbe et sincérité émotionnelle, pour toucher au cœur l’essentiel. Voici une sélection de poèmes tirés du recueil inclus dans le livre Pipa, la légende du poisson doré.
🌿 Poèmes choisis
Les oiseaux
J’aime les oiseaux parce qu’ils migrent,
Ils visitent la Terre en silence. Ils vérifient la rotondité du monde,
La grâce des couleurs,
La profondeur des brumes. Ils voient la terreur des hommes,
Leur génie. Ils pleurent et sourient,
Claquent un peu du bec,
Passent d’un ciel à l’autre. Lacs, forêts, villes et plaines longues,
Partout est chez eux. Plumes pourfendeuses d’éternité,
Zébreuses de firmament ! Sous la neige, dans le vent,
Dans le jaune du soleil !
***
La terre
Les paysans ont rempli leur office. Les blés, le maïs,
Et puis les betteraves.
Les betteraves par milliers.
Des montagnes de betteraves,
Sur lesquelles je trône.
Je tends les bras dans le vent nocturne
Pour m’ensevelir de ciel. Les hommes ont tout pris,
Ils ont cueilli le monde. Le soleil sombre vite,
L’hiver s’approche
À grands pas glacés. Repose-toi, Terre-mère.
Endors-toi ;
Refais-toi.
***
À l’aurore des nouveaux mondes
Quand le courant remontera la rivière
Et que les arbres fleuriront en hiver, Quand les montagnes s’affaisseront
Et que la neige remontera au ciel, Quand l’Univers sera poussière,
Silencieux et froid, Et que le temps ne sera plus
Qu’un lointain souvenir… Quand il n’y aura plus rien,
Une absence de tout, Je t’aimerai encore,
Je serai près de toi.
***
Nuit sans idéal
Ah ! Que ton corps devient lourd,
Pauvre vieux triste et que j’aime !
Tes yeux vifs crient au secours,
Ton cœur étouffe ici-même. Depuis leur prison démente,
Tes mots tombent, résignés,
Pauvre angelot de mort lente,
Ta bouche lasse se tait. Les vues hautes contrariées,
Les humeurs devenues sombres,
Tu étais loyal en mai,
Tu es haineux en décembre. Tu n’es plus qu’un solitaire,
Une étoile dérivante,
Un point lointain sur la mer,
Aux espérances navrantes. Ce n’est pas un espadon,
Ni même un monstre marin,
Ni encore Poséidon,
Qui emportera ce point. Mais une vague maigre,
Dans un silence banal,
Une nuit grise ou bien nègre,
Une nuit sans idéal.
***
Aux portes du présent
Je suis aux portes du présent,
Et me voilà figé.
Souffle divin, pousse-moi !
***
Unifier le royaume
Tout comprendre en un seul éclat,
J’ai tout vu. Les étoiles, les nuages, les arbres me montrent
Comment unifier le Royaume. Comment panser les plaies,
Comment guérir les peines.
Comment rendre le monde au monde. Sérénité absolue
Sur les champs de nos ruines. Élévation, sourire neuf
Sur les cadavres de nos élans.
***
Printemps nourricier
Ah, j’avais tort d’angoisser !
Dans le noir, on oublie le printemps.
Mais il est revenu, le printemps nourricier ! Pâquerettes, boutons d’or, clochettes dandinantes ;
Marguerites aux cœurs de velours, reines des prairies !
Herbes insolentes bordeuses de rivière,
Allées de bouleaux, errant solitaire. Janvier, février ont échoué !
La nature imprime déroule son tapis,
Encore une fois, encore cette fois au moins. Violettes élégantes, multipliées sous les bois,
L’eau déambule, roulis liquide et coulant.
Je caresse les blanches écorces parfumées,
Vieilles peaux d’arbres, apaisantes apaisées. Il y a notre étoile en reflets vifs,
Le bourdonnement des abeilles,
Furtives vagabondes, magiciennes de miel ;
Elles ronronnent, chattes saoules, zébreuses de ciel,
Taquinent les bourgeons à flanc de rais d’or ! Tout embaume à l’excès ;
La tiédeur odorée
Enivre de regain. Les chenilles avivées, naïves passagères,
Sont les discrètes Icare de la saison-mère.
Insectes cuivrés, oiseaux criards,
Lézards rapides à l’appétit grand !
Moucherons entêtants aux arabesques entêtées,
Microscopiques dragons, commères des forêts… Et moi dans les fleurs,
La chaleur du monde
Hâle ma pâle peau d’hiver. Il ne manque rien.
Tout est là, en ordre,
Comme la dernière fois. Ah, mais j’avais tort d’angoisser !
J’avais oublié.
***
N’être pas Dieu
Où sommes-nous ?
Quand sommes-nous ?
Pourquoi tout ça, plutôt que rien ? Je hurle ces questions
Et je déchire le vide. Aucune couleur.
Pour seule réponse,
Mon cœur. Mais ce sang qui pulse dans mes veines,
Est-ce moi ? M’arracher de ce corps.
Être tout.
Tout savoir.
N’avoir peur de rien. Quelle horreur de n’être pas Dieu !
***